Août

Vendredi 2 août
Juillet m’a ancré un peu plus à Lyon. La lecture du JL de PL au parc n’a pas étouffé le relationnel. Les copines du parc s’étoffent de charmantes jeunes femmes (Annie, Marjorie, Muriel, Elise) avec qui de cordiales, voire d’amicales complicités peuvent s’établir. Elise et Muriel ont des enfants : cela ne fait qu’aviver mon retard pour l’élan procréateur. Moi qui, après la rupture avec Sandrine, me résolvais à une existence retirée, truffée d’amantes successives, j’intègre aujourd’hui le paramètre d’un enfant avec BB comme nouvelle étape d’existence.
Après ma vague d’envois, en début de semaine, de candidatures spontanées auprès d’organismes de formation, déjà deux manifestations (une prise de rendez-vous et un document type à renvoyer). Peut-être de nouvelles collaborations en perspective qui compenseront mon arrêt de l’Institut Galien.
Une très agréable soirée chez Bonny et Eddy, mercredi soir, avec d’autres de leurs amis, confirme l’amitié joyeuse qui se tisse les rencontres passants.
En route pour l’Aisne, après deux ans d’absence : j’espère que le séjour s’axera sur l’apport affectif partagé sans résurgence des vieilles rengaines, ni essai de connaître mon jugement sur telle ou telle tranche de vie.
Je pars dans cet état d’esprit, même si je me doute que quelques thèmes existentiels seront abordés par Heïm. Pour son anniversaire, fêté en avance dimanche, je lui apporte une liqueur des vendéens (spécialité achetée lors du séjour au Cellier) pour le palais, et l’Histoire d’humour de l’histoire de France de Guy Breton pour l’esprit.
Parmi les adoptions parlementaires de cet été, l’augmentation de 60 % des salaires des ministres pour compenser la suppression par le gouvernement Jospin des enveloppes, pratique séculaire pour un complément conséquent des rémunérations. Les médias se sont bien sûr empressés de mettre cette information en parallèle avec la très faible augmentation du SMIC. Un rapport bien artificiel, mais excellent pour le racolage social et la grogne dans les chaumières de la « France d’en bas », selon l’expression raffarinée.
Le taulard José Bové s’offre un bain de foule sous les projecteurs avant de reprendre son antienne favorite et de stigmatiser les coups portés à la « France du sous-sol ». En forme, le Bové, malgré la cure cellulaire.
Dans le train Paris-Laon, au trois quarts vide, pris si souvent dans la deuxième partie des années 90, je songe encore à ce passage au château d’Au, aux multiples améliorations que je vais découvrir, à l’ambiance que je vais retrouver. Il me faudra jongler avec le niveau que je souhaite laisser émerger de ma nouvelle existence. Affection, mais détachement de toute dérive qui favoriserait l’épanchement à effet boomerang.

Samedi 3 août

Une première partie du séjour tout en affection arrosée. Pas de volonté polémique et une surprise : nouvelle proposition de Heïm d’éditer mon Journal ! Il fait allusion à la promesse faite à mon père de ne jamais l’éditer pour mieux l’évacuer.
Très chaleureux de le retrouver, mais il a ressenti un léger malaise chez moi, depuis ce matin, et le fait est : je ne me sens pas vraiment dans mon élément, même si tout l’apparat affectif est déployé.
Un élément très agréable : l’avancée des travaux dans le château et, notamment, la réhabilitation (en cours ou achevée) des deux pièces principales du bas. Des espaces très accueillants par l’ameublement et les éléments décoratifs multiples.
Dans les échanges avec Heïm, évocation de l’actualité de personnes plus ou moins familières : les folies du magistrat Hubert, la réussite magnifique du neveu Thierry (à la tête d’un des plus gros cabinets d’huissiers de Normandie), la vie de déclins successifs de Florence R. alias Kiki, les deux enfants (vus en photo) d’Alice (Charles-Michel et Michel-Edouard), etc.
De mon côté, quelques révélations : notamment mon histoire charnelle très brève avec S et le projet d’un enfant avec BB à moyen terme. Sur ce dernier point, j’aurais peut-être mieux fait de m’abstenir. Je sens poindre la pression (gentiment abordée) de visite avec cette future progéniture…
En somme, une visite en forme de réconciliation, mais qui ne m’incline pas à intensifier le suivi. Une visite annuelle conviendra.
Quant au Journal, et son volume I (91-99) Un gâchis exemplaire, je prends cette nouvelle proposition avec beaucoup de circonspection. Pas d’emballement prématuré, mais si le livre peut effectivement exister, je ne vais pas me priver de ce plaisir.
Problème pour le volume II (2000- ?) que j’intitulerais probablement A mon aune, et dans lequel les critiques fusent envers Heïm et son entourage. Il faudrait être un imbécile inconscient pour proposer une version complète de ces années. Je vais donc envoyer à Heïm quelques passages ne comprenant pas les défoulements contre ma vie passée et, en cas de proposition éditoriale, je tronquerai ce volume des extraits les plus pamphlétaires sur le château pour les réserver à un Journal critique posthume. Puisque la stratégie a gouverné l’essentiel des actions de Heïm à l’égard des êtres, je ne vais pas me priver de l’être un peu à son égard. L’affection demeure totale, mais je n’ai plus cet enclin à œillères des années 90 où seule la cause du château comptait. Je ne veux de mal à personne, mais je ne bride plus mes réflexions dans le secret de ces pages.
Demain, allure pseudo familiale prononcée avec l’arrivée de Sally, Hermione et Angel.
Cette après-midi, quelques tours dans la maxi piscine à boudins installée au fond du potager, avec une structure en dur tout autour et un cabanon pour accueillir les éléments techniques, vestimentaires et de confort.
Ce soir, sortie restaurant et, sans doute, boîte de nuit avec Karl.
Hier soir, un texto de ma BB qui me fait un bisou et que j’ai rassuré sur la teneur de mon séjour par retour écrit.

Dimanche 4 août
20h. Comme prévu, la fin de la deuxième partie de séjour a dérivé vers la pseudo-catharsis. Un repas tout en affection, en bons mots, en ambiance chaleureuse et puis, progressivement, quelques éléments conflictuels ont émergé : ma nouvelle conception de l’existence, mon malaise dans ce cadre, la mise en relation de ma compagne (et d’un éventuel enfant) avec le château… Tous ces points d’achoppement qui ne me concernent plus. Je reste en lien affectif, mais je me sens de plus en plus étranger à ces volontés de réunir l’inconciliable.

Selon Hermione, je n’aimerais pas le beau de l’existence dans son optique constructive… Eh bien tant pis ! Qu’on me laisse à l’aune de ce qui me préoccupe. Cette adhésion systématique à des schémas de pensée dans lesquels je ne me reconnais plus restera une source de ruptures renouvelées. Qu’ils me prennent tel que je suis, condition essentielle pour la poursuite d’un rapport.
Vrai que ma conception de l’existence ne peut être approuvée par le couple Hermione-Angel. Doit-on pour autant se priver de se voir ? Peut-être n’a-t-on plus rien d’important à partager. Je sentais dans la voix de Hermione, déclarant beaucoup m’aimer, que rien de commun ne subsiste permettant d’initier des rencontres. Le changement est bien, chez moi, irrémédiable, et sans l’once d’un désespoir. Mon épanouissement réside dans ma vie lyonnaise. Et ma BB me manque, son amour, ses baisers, son corps chaud, ses attentions constantes. La présenterais-je un jour ? Aucune envie de la mêler à cette théâtrologie existentielle qui finalement, même si l’intelligence est extrême, en revient toujours à des monomanies intellectuelles.

Pour finir, je n’ai pas vraiment envie que ce Journal paraisse. Que cela reste comme une expérience littéraire où je ne m’interdise rien dans la critique, condition d’une création équilibrante, mais rien du faiseur pour la pitoyable gloriole de l’ouvrage sorti. Je verrai si Heïm me relance, mais je n’aurai aucune démarche en ce sens. Tout cela ne m’intéresse plus.



Lundi 5 août
Retour apprécié à Lyon et grand plaisir de retrouver ma BB et sa bouche gourmande. La pesanteur de ce séjour chez les gens du Nord n’est pas encore évacuée. Divergence existentielle et malaise au contact des résurgences de cette vie sans saveur pour moi, dorénavant. Même plus envie de m’épancher sur le sujet.
Reprendre mon rythme lyonnais, ma tendre, mes amies et accointances, Léautaud et son dernier volume, avant une vraie semaine de vacances à Royan...

Mardi 6 août
Un temps grisaille réduit cette journée à une dualité sentimentale : BB et moi dans un farniente revigorant. Les Estelle, Muriel and Cie ont décliné l’invitation.

Je vous salue Mahomet !
Vu ce matin, lors du tardif petit déjeuner, le dernier volet du Théma enregistré sur Arte et consacré au phénomène hallucinant de la bombe humaine. Le profil des trois « pilote de la mort » du onze septembre révèle la phase intellectualisée de ce procédé : des jeunes gens adorés par leur entourage, leurs accointances, brillants dans leurs études, promis à un bel avenir, adhèrent à l’intégrisme islamiste et se déterminent à un auto anéantissement le plus meurtrier possible. Rien du portrait de ceux qui sont endoctrinés (de force ou de gré) depuis l’enfance. La haine du modèle américain, dont ils ont abusé pour mieux exploiter ses faiblesses, et la volonté de faire triompher une autre voie leur tient lieu d’ancrage idéologique. A cela s’ajoute l’intime conviction d’un paradis pour martyrs qui rend totalement dérisoire la vie terrestre. Quelle ambivalence dans ces religions monothéistes : sources d’une certaine morale, d’une approche plus humaine de la relation à l’autre, elles peuvent tout aussi bien, avec des exégètes mal intentionnés, légitimer les pires atrocités. Cela suffit à prouver leur caractère foncièrement humain, et non divin.

Vendredi 9 août, 23h
Demain, à l’aube, le grand parcours est-ouest pour rejoindre Royan. Un site Internet gratuit fournit le trajet idéal de ces six cent vingt kilomètres à effectuer en huit heures à soixante-dix-sept km/h de moyenne. Pas de la grande vitesse en perspective. La vraie route des vacances comme aux temps florissants (mais aussi meurtriers) de la nationale 7 comme axe majeur.
Heïm m’a laissé un message jeudi sur mon portable : se dit désolé de la tournure prise par la fin du séjour, me renouvelle son affection et souhaite que je ne m’en sois pas retourné trop amer. Je lui ai envoyé ce jour un mail avec la reproduction des quelques photos prises du château. Il me rappellera peut-être lors de la villégiature royannaise. Je ne me sens aucunement amer : le retour à Lyon, au bercail, fut en fait un soulagement. Je n’ai ni haine, ni ressentiment, ni surtout nostalgie : un détachement pour une forme de vie qui n’a plus d’attrait pour moi, qui sonne en creux. Mon désengagement semble aussi profond que l’était mon implication au début des années quatre-vingt-dix. A mon aune... voilà le principe maître pour cette nouvelle décennie.
Déjà cinquante-cinq pages, en dactylographie serrée, de citations sélectionnées pour le JL jusqu'à l’année 32 (en cours). Il me faudra ensuite jongler avec toute cette matière littéraire pour préciser les détails du prisme d’abordage... Une bien agréable plongée dans ce condensé des meilleurs moments du jl opéré entre 87 et 88. Mon esprit conservateur n’a pas été inutile : quatorze ans après je m’en sers pour ma thèse !
L’été pourri (encore qu’à Lyon j’ai pu profiter de l’astre brûlant) va, j’espère, connaître une trêve la semaine prochaine.

Dimanche 11 août
Début du séjour sous ciel bas et bruine ventée. Jeu de mini-Monopoly en euros avec Elisa et Adèle (dix ans toutes les deux) puis passage sur une plage proche en fin d’après-midi. Amélioration dès demain... la pointe espagnole devrait alors s’imposer comme vrai premier jour de vacances pour BB. Petite tristesse inexpliquée ce matin de sa part. Elle semble accumuler des ressentis négatifs et craquer quelque peu sans vouloir approfondir par le dialogue.

Mercredi 14 août, 0h30
Un radieux mardi : début à la pointe espagnole à me défouler dans les flots agités de l’Atlantique ; suite à l’ombre de la maison de Robert (le père de Sally) à vagabonder dans un Courrier international ; fin avec ma BB dans les rues animées de Royan. Karl attendus pour ce soir va amener sa vivacité sous un ciel que l’on espère bleu.
Bonne nuit les petits...

Dimanche 18 août
Au Cellier depuis hier midi, bilan contrasté du séjour à Royan : agréable pour moi, source de malaises et de chagrin pour ma BB. Comme je l’avais appréhendé, le courant n’est pas passé entre elle et Sally. Avec beaucoup de subtilité, la maman de Karl a fait montre d’une certaine indifférence par rapport à BB, se limitant aux convenances basiques d’une hôte. Ce non-dit pesant, où ses allusions légèrement perfides ont blessé celle que j’aime. Sally ne l’a certainement pas fait dans cette optique, mais l’irrésistible penchant à imposer ses schémas pour le bien prétendu de ceux qu’on aime (déviance affective caractéristique du château) fait fi des personnes que l’on a choisi.

La différence entre Sally et Heïm tient au moyen employé : le ressenti et l’implicite pour la première, l’éclatement cathartique pour le second.
Cela me conforte dans l’impossible rencontre entre mon univers sentimental (et sans doute familial, si un enfant naît de notre union) et les gens du Nord. Je manque sans doute de jugeote analytique et psychologique, mais pourquoi ceux qui prétendent m’aimer davantage que ma famille de sang ont systématiquement miné mes relations de cœur, que je sois totalement impliqué dans leur vie comme avec Kate, ou désengagé de toute responsabilité clef lors de mon histoire avec Sandre ? La présentation de BB à mes parents et mes frères n’a pas connu de raté, bien au contraire. Heïm prétendrait que les médiocrités s’assemblent, et bien je crois moi que la véritable saleté d’âme c’est celle qui veut imposer ses vues affectives, qui ne peut s’empêcher (malgré les engagements pris) de dériver vers les vieilles monomanies destructrices du chemin que l’on tente de se tracer pour mieux modeler à ses vues, à ses principes celui qu’on dit affectionner. Seuls les résultats comptent : je me sens infiniment mieux aujourd’hui à Lyon avec ma BB que je ne l’ai été depuis 1990 où je décidais d’accorder de l’importance aux avis des gens du Nord pour ma vie sentimentale naissante. Erreur qui m’a coûté dix ans d’éprouvantes incompatibilités. La fausse tolérance affective masquait un implacable travail de sape. Avec Sally et ce séjour à Royan, j’en ai eu les derniers rogatons.
Eu Heïm rapidement au téléphone ; il me confirme le plaisir qu’il a eu à me voir malgré les regrettables dérives de la fin (un couplet éculé pour le moins !) et souhaite m’envoyer un courrier plutôt que m’ennuyer au téléphone. Nous verrons bien la teneur de cet écrit, s’il arrive... Pour moi, la position à adopter est claire : le double jeu. Le temps de la vertu naïve est révolu. Si Heïm souhaite conserver ce lien affectif avec moi, ce sera au rythme qui me convient, et cela constituera pour moi l’occasion d’approfondir ici mes vues critiques et mes observations sur cet univers fui depuis 1997 (et certainement depuis bien plus longtemps inconsciemment). Si Heïm souhaite finalement publier le premier tome de mon Journal pamphlétaire, je ne le refuserai pas, mais cela ne m’empêchera pas d’étoffer le deuxième tome (A mon aune) de la distance critique sans qu’il ne s’en doute (tout du moins dans cette proportion et avec ce ton). Heïm a toujours fonctionné à double, triple, quadruple jeu avec les êtres : je me sens aujourd’hui totalement légitime à agir comme cela avec lui, et ce jusqu'à sa mort. Il ne servirait à rien qu’il soit informé de mon vrai ressenti, et de la rupture philosophique, existentielle, qui croît en moi, si ce n’est à me couper définitivement de ce champ d’observations que je n’aborde qu’avec précaution et très épisodiquement, car il reste dangereux pour moi. Je veux garder l’opportunité de pénétrer de temps en temps cet univers pour ne pas m’aigrir dans une critique gélifiée, mais faire œuvre de contempteur aux prises avec une réalité en mouvement.

Avec Karl, toujours la même complicité, un être que j’apprécie infiniment car il semble respecter la voie que j’ai choisie et mes choix sentimentaux, même si la pression idéologique des gens du Nord s’avère puissante de facto.


Amusante rencontre au bar Tapas de Royan (ouvert depuis un peu plus d’un mois) la nuit de vendredi à samedi. Karl s’est à nouveau chargé de l’effort d’abordage. Après Estelle et Amélie, voilà Christelle et Emilie : deux jeunes filles (25 et 22 ans) dont la conversation et la sensibilité nous ont accompagnés jusqu'à cinq heures du matin. Pour Karl, une manière de finir agréablement ses très courtes vacances. Un lien amical pourrait naître là aussi.
Hier, une fin d’après-midi sur une plage proche de Saint-Michel Chef Chef, puis un restaurant en bord d’Atlantique avec BB et son frère : très agréable malgré nos heures de sommeil à rattraper.
Le temps incertain de cette matinée a finalement été bénéfique pour l’écriture.
20h. Visite instructive de la tour d’Oudon. Les horreurs de la Terreur se cristallisent sur la virée de Galerne et les noyades massives : Carrier, le petit Hitler auvergnat parachuté gouverneur de Nantes, incarne ce qu’il y a de pire dans une idéologie qui veut s’imposer comme la seule voie.

Lundi 19 août
Verre pris à Nantes avec BB et son frère dans un bar-pub singulier. Tenu par d’anciennes prostituées qui devaient officier à l’âge d’or de Gabin, dirigé par leur mac du temps jadis, sabots aux pieds et chemisette ouverte sur un bide rond et blafard, ce lieu tire son ambiance d’un agencement insolite et d’une décoration hétéroclite. Des niches, coins et recoins s’habillent de supports, pour les verres et les visiteurs, aux sources multiples : un maousse soufflet, une machine à coudre, les bords d’une cheminée…
Déjeuner ce midi au restaurant de Marie-Laure et de son mari (amis de BB) à Nantes à nouveau.
Pas de retour après mes textos envoyés à Emilie et Christelle.
La pause estivale tire doucement vers sa fin. Dans une semaine, reprise en douceur de mes interventions à Forpro, à moins que d’autres collaborations et cours particuliers ne s’y ajoutent, ce qui ferait le plus grand bien à mes caisses et m’éviterait de trop grignoter mon très modeste fond de réserve. En outre, si un revenu de remplacement (autrement dit les Assédic) m’est alloué pour juillet et août, mes finances retrouveront un équilibre correct. Je travaille depuis 1987 avec des rémunérations en droits d’auteur, puis en salaires pour tout ou partie à partir de 1991) et ces indemnisations de chômage pour deux mois constitueront une première dans mon parcours professionnel : je n’ai pas coûté trop cher aux organismes paritaires !
Le plus attachant des bourrus
Le volume XVIII du JL de PL fait état de l’impact important des Entretiens avec Robert Mallet. Léautaud semble osciller entre la satisfaction d’une notoriété amplifiée à 80 ans et l’agacement de cette accumulation de sollicitations qui dérangent ce sauvage des villes.
Dès septembre, je vais m’abonner aux Cahiers Léautaud, dirigés par Edith Silve, et tenter d’acquérir (ou de consulter) les numéros antérieurs. Cela m’offrira une base de confrontation entre mes réflexions sur le bougre de Fontenay et celles d’autres adeptes ou contempteurs (encore que je doute que ces derniers puissent exprimer leurs critiques dans ces pages).
A l’enterrement de Gide, et notamment lors de la vue du corps, moment prisé par l’écrivain, Léautaud ne peut retenir ses larmes : sincère chagrin pour la disparition de son confrère d’écriture ou conscience accentuée du temps qui passe et de sa fin prochaine ? Le temps des moissons de la Camarde dans nos contrées affectives ou amicales doit être particulièrement douloureux et angoissant lorsqu’on sait que notre moment d’être cueilli est naturellement (et si vite !) arrivé. Je pressens ce que seront ces décennies canoniques, si j’y parviens. Les remontées nostalgiques, les regrets de l’irréalisé, le sentiment de ne pas avoir embrassé à plein chaque seconde et, peut-être, la sérénité de celui qui s’inscrit dans une histoire collective, au-delà de soi.

Mardi 20 août
Journée sur la route, de Nantes à Lyon, avec une pause déjeuner à P. chez Corentin (maire de la commune), son épouse Lydie et sa fille Adèle. Demeure dans un demi corps de ferme réhabilité avec beaucoup de goût, un intérieur chaleureux et un couple charmant. Adèle toujours adorable avec moi, et un peu moins caractérielle qu’à Royan avec ses parents. Des andouillettes fameuses comme mise en bouche de notre retour à Lyon.



Haro sur les automobilistes !
Gros point noir de la journée, en forme de purulence humaine : l’automobiliste moyen sur les routes nationales. Les bords de certaines voies sont maintenant truffées de silhouettes sombres représentant les victimes d’accidents mortels : cela ne bride pas la crétinerie criminelle de certains qui, à ces mêmes endroits, prennent des risques inouïs pour gagner un temps dérisoire. Si cela passe cette fois, le danger qu’ils représentent pour l’alentour (motorisé ou pas) n’est pas acceptable.
Quand donc les pouvoirs publics prendront les mesures adéquates pour éliminer de l’univers routier ces inconsciences potentiellement dangereuses, ces petites terreurs du volant qu’il faut écraser dans l’œuf. Marre de cette tolérance qui tue... la complicité du système actuel, qui tolère ou pardonne les pires comportements, rend douteuse la volonté d’éradiquer la délinquance routière. Une lettre ouverte aux criminels potentiels de la route ne peut que défouler son auteur : il faut sévir impitoyablement. Par exemple : l’annulation du permis et l’impossibilité A VIE de le repasser en cas d’accident mortel occasionné par un comportement routier dangereux. Il faudrait même l’étendre à ce type de dérive même si elle n’occasionne que des blessés ou de la taule froissée, afin de ne pas attendre qu’il tue pour le bannir de la conduite. Ce qui doit être retenu c’est l’intention d’avoir une attitude criminogène... le reste ne relève que du hasard de multiples facteurs et ne doit surtout pas servir de circonstances atténuantes.
Je hais ceux des automobilistes qui se jugent puissants, dans une impunité répugnante, simplement parce qu’ils conduisent, dépassent, surpassent ! Pitres dangereux à évacuer au plus vite pour éviter la mort d’innocents.

Amusante information prise chez Corentin et Lydie : Sally a un compagnon dans sa vie, un dénommé Philippe (et même un second, Bernard) qu’elle connaît depuis une vingtaine d’années. Son logis parisien se situe en fait rue de l’Université dans un magnifique appartement... Quoi de plus normal finalement, mais un tel goût du secret depuis tant d’années pour ceux qui côtoient Heïm tranche lui sur l’ordinaire. Je ne pense pas que son fils soit au courant de cette facette de la vie privée de Sally. 
Hier, dans ma BAL, parmi les factures et l’acceptation de mon indemnisation par les Assédic, une enveloppe avec juste Loïc inscrit dessus : à ma grande surprise un mot d’Elen (que j’avais croisée dans la rue Tête d’Or juste avant le départ pour Royan) qui souhaiterait, un jour de beau temps, me voir au parc... et elle me laisse son téléphone (le mien a été jeté). J’en ai informé BB. Est-ce une résurgence de sentiments (elle m’avait déclaré, lors de cette brève entrevue, avoir très bien digéré notre séparation et ne pas souhaiter de liens amicaux) avec un espoir de renouer alors que je ne l’ai pas informé avoir le cœur pris ? Amusante manifestation en tout cas.

Vendredi 23 août
Passage éclair à Fontès avec ma BB, juste le temps de faire quelques bisous à grand-mère, de présenter ma dulcinée, de déjeuner tous les trois au gentillet restaurant Le Sanglier de Cabrières, de passer quelques moments au jardin, de dîner avec ma belle à la brasserie Molière de Pézenas, de se promener à nuitée dans quelques rues et ruelles de la commune, puis de s’en retourner à Fontès faire un gros dodo après un délicieux câlin…
Toujours ému de quitter grand-mère : ce matin à onze heures nous laissons le village pour une halte sur la longue plage de Sète, au bord du Golfe du Lion. Au cours de la conversation, grand-mère fait allusion à son année de naissance, 1912. Je crois me souvenir qu’elle est née en septembre : elle va donc aborder ses 90 ans le mois prochain. Nous devrions, enfants et petits enfants, marquer l’événement en lui envoyant cadeaux et fleurs à la date requise. Je vais tenter de mobiliser les troupes éparses…
Ce matin, au cours du trajet, j’appelle I. ma cousine (fille de Paul) que je n’ai pas vue depuis plus de dix ans... Une voix que je ne reconnais pas d’emblée, mais un rire familier. Voisine, elle réside dans les Dombes, je lui propose une entrevue avec BB un jour de septembre. Elle semble partante, tout comme l’idée de fêter grand-mère. A suivre...

Dimanche 25 août
Grisaille orageuse sur Arles. Séjour reposant et agrémenté de joyeuses retrouvailles avec Violaine de passage avec sa sœur jumelle (non monozygote) Marion, étudiante en architecture. Un dîner Chez Gigi sans vraie transcendance relationnelle, moi-même peu performant pour fuser par l’esprit. Des convives très agréables cependant. Une mauvaise nuit pour BB, peinée par une attitude distante de ma part à cette soirée. Je n’en ai pas pris conscience sur le moment et l’analyse a posteriori me fait expliquer cette attitudes par quelques comportements peu féminins de BB au regard des autres jeunes femmes présentes (notamment une tendance à parler trop fort, avec une intonation désagréable). De là une distance de ma part. Ne suis-je pas encore assez tolérant pour la personne choisie ? Je ne veux surtout pas la blesser, mais je souhaiterais une évolution sur quelques points pour qu’elle s’affine... Du détail, sans aucun doute, au regard de ses grandes qualités humaines...
Demain après-midi, reprise en douceur des interventions à Forpro : de treize heures à dix-sept heures, V.S.P. pour une dizaine de Bep. Pas de transcendance attendue là non plus, mais cela me libère au moins l’esprit pour l’ami Léautaud : 1953 entamé, la psychologie de la fin, une profonde morosité, atteint le suivi même du JL.
Une grande différence dans le rapport familial entre les B et les Decrauze-B. Parents, soeurs et frère B s’appellent presque quotidiennement, se suivent pas à pas dans leur existence. Nous, le contraire total, un appel mensuel aux parents est un maximum, et entre frères cela se raréfie encore plus. Y a-t-il moins d’affection pour cela ? En tout cas, un désintérêt pour le suivi chirurgical de nos vies s’allie peut-être à une volonté de laisser chacun faire son chemin. Et les échanges lors des entrevues en sont peut-être plus fournis...

Lundi 26 août
Tension musicale
Le dernier album de Coldplay : une MERVEILLE ! De tels créateurs d’enivrement musical réconcilierait le plus coriace misanthrope avec l’humanité. Cela enchante, élève, inspire, transcende. Un deuxième album encore plus créatif que le premier : l’assurance d’une œuvre d’exception. Chapeau à ces Anglais ! Voilà un vrai bonheur qui m’illumine : le talent de certains artistes.

Vendredi 30 août
Ce soir, dîner chez moi avec BB, sa sœur Louise et son frère François. Une agréable soirée en perspective. Demain soir, immersion dans la famille maternelle nombreuse, enfants et petits enfants des grands-parents maternels à Vilmoirieux.
Encore un nouveau message de Heïm sur mon portable, me témoignant son affection et me confirmant le plaisir immense qui je lui ai fait par mon séjour. Il se dit désolé de la tournure que cela a pu prendre sur la fin, de mon malaise croissant, et espère que je n’attendrai pas deux ans pour une nouvelle visite. Renouvellement de sa proposition d’édition. Cette affection me touche intellectuellement, mais je ne ressens plus tellement d’inclination sensible à son égard. Mon mail d’hier redonnait mon accord pour la publication du premier tome. Je ne peux, en revanche, augmenter à plus d’une par an, sauf cas de force majeure, mes visites au château. Cela doit rester exceptionnel pour que les digressions cathartiques se limitent au minimum.
Dans mon antre lyonnaise, décoration des murs par trois cadres grand format (60X80) et cinq petits formats avec du Dalí. Le délire dans la précision habille les lieux de vivifiante façon.
Coldplay pour les oreilles, Dalí pour le regard qui cherche l’inspiration, une table dressée au Guy Degrenne pour nos hôtes : sentiment de bien-être, une douceur de vivre à mon rythme, et le temps qui se charge dans la légèreté d’une existence à l’aune de soi. Voilà sans doute qui explique mon détachement sans affect de l’univers de Heïm.

Aucun commentaire: