Novembre

Mardi 5 novembre, 0h30
Orphelin de ma BB, cette nuit, la voilà repartie pour deux mois de travail nocturne aux urgences.
Le Tapie animateur s’évertue à diriger de main journalistique les débats et se révèle efficace à la synthèse et à la maîtrise du déroulement. La dernière affaire d’hyperterrorisme, pour reprendre l’expression de l’expert passionnant Roland Jacquard, confirme la sombre tournure de l’humanité barbare.
13h15. Matinée studieuse à sortir la biographie détaillée de Léautaud pour l’afficher face à mon bureau : ainsi j’espère pouvoir jongler avec les repères existentiels de l’écrivain et mieux ressentir dans le contexte ses états psychologiques.
Effroyable carambolage près de Poitiers. Morts et blessés dans l’enchevêtrement de taules froissées exacerbent un peu plus mon aversion pour ce mode de transport, engins de mort laissés à la disposition de tout un chacun sitôt un permis sommaire passé. Tant que la population ne consentira pas à rogner un peu sur ses libertés individuelles, on devra se résoudre à ces massacres routiers aussi aléatoires que les catastrophes naturelles.
Oublié d’indiquer la joyeuse soirée de vendredi entamée avec ma BB, Marie-Noëlle et son compagnon Thierry chez moi pour un repas riche en conversations, puis poursuivi dans un café-boîte très confortable du vieux Lyon. Nous retrouvons là Elo et Jérôme entourés de quelques accointances agréables. Les quatre chenus au milieu de cette jeunesse estudiantine : cela a galvanisé ma fibre délirante pour amuser la troupe nocturne. J’étais vraiment dans un moment inspiré pour transcender dans le déconnage cette réunion improvisée. Ma BB a décidément un très bon effet psychologique sur moi.

Mercredi 6 novembre, 1h du mat.
Ce qui mérite les louanges dans la démarche de Tapie, c’est de savoir imposer le respect de tout invité par le public, y compris du plus décrié comme Marine Le Pen. Il a su calmer les huées et cadrer l’échange dans les strictes limites du sujet (« le talent se transmet-il génétiquement ? »). Sa joute verbale avec le père, il y a quelques années, confère à son comportement envers la fille d’autant plus de mérite.
23h30. Transports routiers, ferroviaires et aériens au centre des gourmandises de la Camarde : carambolage dans un brouillard enfumé ; incendie et fumées toxiques dans un wagon-couchettes ; écrasement d’avion au Luxembourg par purée de poix funeste.

Jeudi 7 novembre
L’enfilade des jours donne le tournis, mais j’essaie d’optimiser le temps pour le travail préparatoire à ma thèse.

Vendredi 8 novembre, 23h
Sortie en duo au club 30 pour retrouver les joyeux Eddy et Bonny.
Ces points d’ancrage lyonnais ne doivent pas occulter l’extrême dérive mondiale, avec ses perspectives d’hyperterrorisme cataclysmique.
Les quelques à-coups sanglants depuis le 11 septembre ne seraient que de mièvres amuse-gueule à côté du festin macabre en préparation. Fantasme d’experts paranos ou sagesse lucide et précisément informée ? Nous étions si loin d’imaginer pareil chaos sur le sol américain que l’au-delà de nos repères occidentaux, dans le sacrifice meurtrier, doit s’inscrire dans l’extrême motivation des enfants sauvages de Ben Laden.
Hitler restera comme l’incarnation du pire paroxystique à la tête d’un Etat au XXe siècle ; Ben Laden s’est-il forgé comme l’icône infernale à la tête spirituelle de multiples mouvances terroristes incontrôlables pour le XXIe siècle naissant ? La forme même de nos sociétés risque-t-elle de sombrer par leur incapacité à enrayer de tels déferlements de tueries aveugles ?
Peu de motif à rigoler... finalement.
Se divertir un minimum pour échapper un instant aux traits nauséeux de l’humanité, voilà le peu qu’il reste.
Le Manus X touche à sa fin...
3h30. Retour du Club : plein au point que les volutes de fumée tenaient lieu de mélasse imprégnante. Toujours beaucoup de complicité avec nos deux amis.

Dimanche 10 novembre
12h55. Texto d’Elo nous invitant à partager alcool et boustifaille chez Jérôme... Obligé de décliner la très tentante proposition : nous dînons chez une tante de BB (sœur de son papa) à Craponne. Ce n’est que joyeuse partie remise.
Elo m’apprend sa brouille avec Cécile, une de ses grandes complices estudiantines, après la soirée partagée dans un pub confortable, il y a quinze jours. La cause : une bouderie persistante de la demoiselle lors de cette si agréable réunion, collée à son petit ami, et le reproche fait à Elo d’avoir invité un de ses ex, depuis ami, et moi-même (!) qui n’ai jamais eu un quelconque commencement d’histoire sentimentale avec elle, même si ma vie intérieure a donné lieu, une fois, à un épanchement en ce sens. Une conception exclusive et tranchée de la relation chez cette Cécile qui mérite donc une mise en quarantaine.
J’ai renouvelé mon appréciation très positive sur Jérôme, et je suis aujourd’hui, au tréfonds, en parfaite adéquation avec ma position affectivo-amicale envers Elo. O combien est préférable cette saine clarté, dans l’intime souhait du meilleur pour ceux qu’on aime amicalement, même si la position antérieure s’est hasardée à de plus proches perspectives. Le contexte prime et, en l’espèce, mon amour de BB et le formidable duo Elo-Jérôme ne peut laisser le moindre doute vaseux. Pérenniser ce lien dans les bornes qui s’imposent. Les masturbations cérébrales de cette Cécile salissent ce qui s’est installé comme complicité partagée.

Lundi 11 novembre
Six heures de convivialité chez ce couple d’octogénaires dans une splendide forme. L’appartement dans lequel ils ont installé leur nid confortable se situe au centre de Craponne et possède une belle terrasse, hier détrempée par la bruine incessante.
Dans l’ascenseur, je remarque que l’habillage de la plaque de desserte est le même que celui de l’immeuble de Sandre, avec neuf étages indiqués pour des bâtisses beaucoup moins fournies en hauteur. Aurais-je pu imaginer que ce signe anodin préparait un lien beaucoup plus singulier ? Au cours de l’apéritif, je m’intéresse à l’activité de l’oncle Rémi. Première surprise : il exerçait à Rhodia Séta, filiale de Rhône Poulenc, à la conception d’énormes machines destinées à produire, notamment, du nylon, dont l’entreprise a eu le monopole par brevet pendant quinze ans. Je lui confie alors que le père d’une ex petite amie, avec qui j’ai eu de longues conversations, était commercial dans cette même maison. Le regretté Jean R. étant de la même génération, je m’enquiers de savoir, malgré l’énormité de la société Rhodia à l’époque et des secteurs différents de leurs activités, s’il l’avait connu. Il me cite alors Robert R., qu’il connaît bien, le frère de Jean ! La filiation est faite : je ne connaissais qu’un couple à Grézieu, les R., et la famille du frère à Craponne, et voilà Sandre et BB réunies par cet invraisemblable hasard des correspondances !
La dernière heure de conversation, après minuit, a laissé les hommes sur la berge, dans un assoupissement sporadique.

[Courriel à Claire D.]
Lundi 11 novembre à 18h41
Objet : Clin d’œil en passant
En espérant que ce mail soit toujours d'actualité.
J'aurais été ravi d'avoir de tes nouvelles, chère Claire.
De mon côté, je vais fêter un an d'une histoire sentimentale équilibrante, j'espère qu'il en est de même pour toi.
Ce qui me fait t'écrire : entre deux périodes de travail sur ma thèse, je me consacre à taper mon Journal dans lequel j'intègre mes correspondances par courriels dont la plus fournie est de très loin celle que nous avons entretenue. Je suis justement dans cette période (fin 2000) et je trouve dommage que l'on se soit éloigné électroniquement...
Pour une amicale résurrection, et avec mon plus affectif souvenir.

[Courriel à Claire D.]
Mardi 12 novembre à 10h48
Objet : Beau projet
Quel projet, effectivement ! Choisir Israël comme lieu de vie, même à durée déterminée, répond à une motivation sans faille. Je ne suis point surpris de cette volonté de changement chez toi, cela couvait depuis longtemps. Conserveras-tu cette adresse électronique là-bas et accepterais-tu que l'on reste en lien emailstolaire ? L'expression "Dieu vous garde" s'impose, même venant d'un agnostique comme moi. Je vous souhaite la plus belle, la plus douce des harmonies sentimentales, et si un bambin émerge de votre union, ce sera le plus fantastique pour toi. De mon côté, la fibre paternelle est en cours de maturation... Où allez-vous résider, que vas-tu faire dans ce pays ?... ma curiosité frénétique reprend le dessus... Finalement, te retrouver en amour avec Yves amène une suite heureuse à notre correspondance via Internet qui se focalisait alors sur des tourments liés à cette histoire en proie aux soubresauts. Au plaisir toujours renouvelé de te lire. Je t'embrasse.

Mardi 13 novembre
L’inertiel mammouth de l’Education nationale ne s’encombre pas d’une gestion efficace du paiement de ceux qu’il a utilisés. En juin dernier, j’ai surveillé divers examens : alors que le personnel du public est rémunéré selon le taux des heures de cours, nous autres du privé devons quémander le remboursement des frais engagés. A ce jour, toujours rien sur le compte ! Dossiers de demande remis en juin, cela ressemble à un traitement soviétique !

Jeudi 14 novembre, 0h15
Je vous salue Mahomet !
Les souffles de la nature tournoient sur la place de l’Europe, contraignant les feuilles à un ballet improvisé. Ma BB s’est assoupie et je retarde mon sommeil par cette attractive glissade encrée.
Le monde n’est vraiment pas beau : le terrorisme n’a jamais été aussi menaçant sur les pays européens, d’après tous les services de renseignement. Les Ben ladénistes nous concocteraient un Noël sanglant, avec cheminées piégées, cotillons chimiques et cadeaux empoisonnées. L’icône islamiste motive les tarés des quatre coins du globe et a d’ors et déjà gagné la bataille médiatico-historique : s’ériger comme l’une des figures de proue du pire au XXIe siècle... et nous n’en sommes pourtant qu’au début. Bien après sa mort charnelle, cérébrale, il survivra bien plus puissant dans le cœur de dizaines de milliers d’extrémistes musulmans. Il ne faudrait pas que la contagion benladéniste gagne les musulmans dits modérés : nous aurions sinon en France la plus terrible des guerres civiles, dépassant dans l’horreur les prévisions les plus pessimistes des droites extrêmes. Espérons que cela demeure fantasme de jusqu’aux boutistes marginaux.
L’humanité renifle de plus en plus la charogne écoeurante. Une bonne bourrasque pour nettoyer ses défécations quotidiennes décortiquées par Big Média, réclamerait le ronchon de service.
Le velouté du Clairefontaine ne peut occulter la râpe du monde.

Dimanche 17 novembre
Une fin d’après-midi studieuse pour ce jour du seigneur, alors que ma BB s’en est allé au cinéma. Le cinq décembre prochain, nous fêtons un an de quasi vie commune, et l’entente ne faiblit pas. Moi si sauvage, si insatisfait, si inconstant en amour, je me vois pour un chemin prolongé à ses côtés.
Hier, je l’ai accompagné chez des cousins pour l’anniversaire de leur fille Marion (dix ans) dont elle est la marraine. Gentillette réunion, mais s’étirant un peu trop avec le type de conversation qui ravive ma fibre misanthropique : la voiture, les trajets effectués, les coins perdus critiqués, les anecdotes éculées… des échanges de surface sur l’espace et sans profondeur. Malgré la vivacité de l’humour du mari, j’ai rapidement attendu le moment du départ. Impossible vraie complicité avec ces gens ; point de jugement méprisant, mais le constat de deux univers intellectuels inconciliables. Peut-être aussi n’étais-je point motivé pour séduire par la conversation l’un des hôtes. Si, en face, je ne peux me nourrir des propos, je me cantonne à la posture de témoin poli.
A faire mes allers-retours entre l’écriture de mon Journal et la lecture de celui de Léautaud, entre praticien et théoricien de l’écriture diariste, je donne un relief davantage ressenti à mes approches. Nombre de ses réflexions me ravissent par leur naturel à prendre à rebours le bien-penser. Je ne suis pas sûr d’avoir les mêmes incisives inspirations.
Les quelques récréations accordées pour taper l’an 2000 me replongent dans un bien sombre état psychologique : je devais probablement forcer le trait de cette démotivation générale par défoulement.
Le gag éditorial se prolonge comme prévu : toujours pas reçu le contrat d’édition pour la publication du Gâchis. Bien sûr Heïm me justifiera, le temps venu, cette nouvelle promesse non tenue, et il légitimera sa gestion du dossier éditorial à ses proches sans que rien ne leur apparaisse anormal… Pathétique seconde partie d’existence, tout de même… Et même si la publication est effectivement réalisée un jour, cela ne pourra occulter ces atermoiements, volte-face et double discours qui auront jalonné ses manipulations depuis un engagement pris il y a deux ans et demie.

Lundi 18 novembre, 23h20
L’effervescence médiatique autour de l’inspection en Irak sur résolution de l’ONU va s’intensifier jusqu’au huit décembre, date à laquelle Saddam Hussein, ou l’un de ses trois sosies, devra remettre aux inspecteurs onusiens la liste des sites militaires. Entre attentats menaçants et guerre planante, notre fin d’année n’annonce aucun espoir d’une humanité meilleure. La sérénité de vie devait être plus accessible lorsque le tout-information n’insufflait pas ses vagues désespérantes des malheurs du monde.
Oublié de noter ma réception, il y a quelques jours, d’une carte de Sandre, épouse A., qui, au-delà des politesses convenues, souhaiterait récupérer les quelques ouvrages que j’ai en dépôt chez moi, et notamment les Lagarde et Michard ! Aucune allusion à ma carte leur souhaitant mes vœux de bonheur… Son penchant matérialiste se porte bien en tout cas. J’ai proposé à BB qu’on les invite à dîner chez moi pour l’occasion, mais finalement je me contenterai d’une entrevue rapide avec remise des ouvrages. J’avais lancé à Sandre la proposition de sorties à quatre il y a quelques mois, qu’elle n’a jamais relancée. Ses seules manifestations à mon endroit ont, pour l’essentiel, tenu, depuis deux ans, à des besoins matériels précis. Je n’éprouve pas assez d’attachement pour, à chaque fois, la relancer amicalement. Je lui laisse donc l’initiative.
Même démotivation pour Estelle F. qui, depuis son histoire sentimentale, a distendu, voire anéanti, les rapports amicaux émergents.
Finalement, un bon ménage à faire dans les accointances artificielles : les Estelle, Amélie, Christelle, Emilie – ces deux paires rencontrées une année l’autre à Royan avec Karl – les Muriel, Annie et Marjorie du parc sans fidélité amicale. Le temps doit être le seul garant de la qualité des relations qui s’amorcent. Lyon m’a permis le lien avec de vrais amis, fiables et volontaires : Elo et Jérôme, Bonny et Eddy, Marie-Noëlle…

Mardi 19 novembre
Suite à des investigations médicales pour découvrir la cause des céphalées aiguës d’Elo : elle est hospitalisée à l’hôpital neurologique boulevard Pinel. Je dois y passer en début d’après-midi (Shaïna sera présente) pour la soutenir un chouia dans cette nouvelle épreuve. Espérons que la ponction lombaire révélera l’origine de ces maux.
23h40. Ma BB encore au travail à la Sauvegarde cette nuit. Une tendre pensée pour elle.
Vu Elo et sa maman à l’hôpital neurologique de Lyon, énorme complexe de soins. Mon étudiante préférée un peu pâlotte, mais visiblement enjouée par ma présence et mes déconnages déstressants. Elle se retrouve à l’unité 402, lit 13 dans une vaste chambre à deux. Face à elle, une gentille dame aux mouvements de tête involontaires. Nous assistons à l’interrogatoire classique de l’interne, puis sortons pour une auscultation corporelle. La ponction aura lieu demain, suivie d’une immobilisation de vingt-quatre heures. Avec un caractère aussi impatient et bouillonnant, l’épreuve se situe bien dans la seconde partie du séjour pour Elo. Jérôme nous rejoint en fin d’après-midi : nous les laisserons tous les deux pour qu’ils profitent un peu d’un tête-à-tête de veille d’intervention.
Au cours de l’après-midi, à deux ou trois reprises, Madame F. me gratifie de gentillesse concernant mon impact sur la gente féminine, au point que je le perçoive comme une légère défiance vis-à-vis de BB. Il faudra que j’essaie de comprendre les coulisses par le biais d’Elo, plus tard…

Mercredi 20 novembre
Alors que je donnais un cours particulier de français, ce matin, une idée force de ma thèse m’est venue : démontrer que le Journal littéraire de Léautaud a bien le statut d’une œuvre à part entière et, à travers lui, le genre diariste, en ce sens que sa lecture peut se suffire à elle-même dans les éléments apportés, qu’il n’est pas nécessaire d’aller vérifier ou compléter par l’extérieur. Le champ autarcique déterminé par la subjectivité de celui qui le tient suffit à rendre autonome du réel un écrit qui y puise pourtant sa matière. Le roman prend prétexte du prisme imaginatif, le journal revendique son approche parcellaire et orientée.
La barbarie des religieux, des israéliens aux palestiniens du Proche-Orient jusqu’aux catholiques et protestants de Belfast, démontre l’effroyable dangerosité de se soumettre à une idéologie, quelle qu’elle soit, et de ne vivre qu’à travers elle. Cela constitue la première des immaturités de l’espèce humaine.

Jeudi 21 novembre
Cette après-midi, encore un passage à l’hôpital neurologique pour suivre l’après ponction lombaire d’Elo. Accompagnement de ma BB, nous découvrons une malade revigorée, les joues presque roses, la douce Shaïna à ses côtés. Agréable moment partagé, se concentrant par une partie d’échec endiablée (avec une stratégie du carnage réciproque !) entre Elo et moi. De quoi surchauffer le liquide céphalo-rachidien ! Elle sort demain et passera un week-end cocooning à Saint-Cyr, avec un Jérôme aux petits soins, ses parents étant conviés (avec les provisions nécessaires) dans une commune de l’Aisne pour fêter le Beaujolais.
Hier, message sur mon portable de Heïm qui, de façon pour le moins incongru, commence par un « bonjour, c’est papa ! ». Un peu, beaucoup déplacé aujourd’hui. Cet entêtement à faire de l’affectif m’irrite. Je préfèrerais des rapports amicaux efficaces dans les engagements pris. Son appel concernait une chose que j’aurais dû recevoir… peut-être, enfin ! un exemplaire du Gâchis, avant tirage ! Sans doute un peu trop irrespectueux comme ton… l’intimité du Journal doit tout me permettre ; c’est à cette condition essentielle que l’écriture conserve un sens. Cela permettra de rééquilibrer l’approche laudative des années 90.

[Courriel à Heïm]
Jeudi 21 novembre à 20h21
Objet : Suite au message
Cher Heïm,
J'espère que vous n'avez pas trop souffert des dérangements climatiques, que ta santé s'améliore et que les affaires sont toujours bonnes.
Je n'ai à ce jour rien reçu, contrairement à ce que laissait entendre ton message.
Pour un rendez-vous téléphonique en semaine, je peux être disponible jeudi après-midi la semaine prochaine, davantage la semaine suivante.
Je t'embrasse.

Vendredi 22 novembre
Encore une manifestation de Heïm qui prouve que nous n’avons plus du tout la même optique dans le rapport à l’autre. J’attendais un contrat d’édition promis, voire un exemplaire prototype du Gâchis (puisqu’il m’annonçait hier, par message, un paquet) : je reçois deux nouveautés de ses activités éditoriales. L’Histoire d’Au et Le Pieu chauvache ! M’adresser la monographie d’une commune dont je me suis éloigné par suite de divergences existentielles avec le seigneur en place, et l’une de ses œuvres relookée, alors que j’ai cessé de m’immerger dans sa littérature suite aux distances intellectuelles éprouvées, cela relève soit d’une insidieuse intention, soit d’une inconscience totale de l’évolution de notre rapport. Finalement, le contraste entre ce que j’attendais et ce que j’ai reçu m’amuse pour la relation de ces manifestations sporadiques. Je ne vais point m’en formaliser. J’attends toujours…
Mauvaise nouvelle : Elo reste hospitalisée ce week-end suite à la découverte, dans le prélèvement, d’un problème viral pouvant déboucher sur une méningite. Soins draconiens qui nécessitent son maintien dans l’unité neurologique. Je passerai demain après-midi pour la visiter après avoir réveillé ma BB qui travaille de nuit tout ce week-end.
Rectification : eu Sandre au téléphone ; si elle n’a pas relevé mon invitation à des rencontres de couple à couple, cela tient au souhait de son mari, ce qui peut aisément se comprendre. Eu Estelle au téléphone après réponse par courriel à mon message. Les plans professionnel et sentimental ne vont pas au mieux, ce qui explique son repliement et l’absence de nouvelles. Très heureuse de m’avoir, je l’ai invitée à venir à Lyon mi ou fin décembre. A suivre…
Je retrouve au Red Lions, pub de la rue Mercière, Eddy et Bonny (qui y chante) à partir de 23 heures ce soir. Une sortie joyeuse, mais sans ma tendre.

Samedi 23 novembre
Eu cette fin de matinée Sandre, mariée A., qui passe chez moi pour récupérer quelques bouquins en ma possession (la collection Lagarde et Michard ainsi qu’un Bled). Sans doute une tendance familiale à la primauté du matériel, avant même toute considération psychologique. Sa Mad recherche un ventilateur que je détiens, Sandre m’en fait part et je me propose de lui rendre. Pas le panache de me le laisser pour services rendus et affection passée. Pas grave, mais dommage.
Sandre est repartie avec ses biens. Plaisir de la revoir et d’avoir quelques nouvelles éparses : la brouille avec sa tante jalouse jusqu’à la haine, le mariage de Jean-Philippe D. quelques temps après le suicide d’une ex à problèmes, sa recherche professionnelle d’un cabinet médical, etc. Elle me confie la raison du refus de son mari d’une poursuite d’un lien amical avec elle : j’apparais comme l’amour passé ayant compté et mon profil universitaire suscite un complexe d’infériorité chez le jeune homme (titulaire d’un BTS et d’un diplôme de visiteur médical). Une forme de rapport à l’autre bien loin de mes critères. Je m’éclipse donc pour la pérennité de leur couple.
Formidable soirée avec Eddy, Bonny, J.-C. (un de leurs amis), Sabrina et Marie (deux femmes joyeuses rencontrées au Red Lions. Belle bande pour du déconnage haute volée qui s’achève à six heures du matin.
19h30. De retour de l’hôpital. Phase des injections par perfusion goutte à goutte de divers produits devant améliorer la santé d’Elo. Le hic : une qualité veineuse moyenne qui rend l’installation du matos médicamenteux délicate ; par ailleurs, Elo souffre le martyr des brûlures intraveineuses occasionnées par ces liquides de soin.

Dimanche 24 novembre
Un sommeil réparateur en solitaire, un petit déjeuner sur les images enregistrées de Nicolas Hulot en aparté, avant un ménage imposé. Grande intelligence, mêlant une réactivité judicieuse et l’attachement inaltérable à des convictions vitales pour l’humanité. Appris, pour l’anecdote, que le M. Hulot de Tati n’était autre que son grand-père architecte.
20h30. La culture hospitalière du « il faut souffrir pour guérir » n’a pas été totalement éliminée. L’intention s’affiche à l’hôpital neurologique de Lyon, mais Elo m’apprend, lors de ma visite dominicale, que les douleurs d’hier auraient pu être évitées si l’aide-soignante avait adapté la délivrance des produits au terrain veineux fragile de la malade. En l’occurrence d’établir une transfusion successive et non cumulative des trois solutions. Incompétence, laxisme, fainéantise ? Les larmes de souffrance d’Elo resteront comme l’image forte de mes différents passages à son chevet.
Ma BB attaque sa dernière nuit du week-end, et je témoigne ici d’une douce pensée pour elle.
23h50. Enfin ! Coup d’accélérateur pour la parution du Gâchis. Réception d’un courriel de Heïm me demandant une courte notice biographique (je prends conscience à l’instant de l’omission de la mention du mémoire de lettres édité en 1996), une quatrième de couverture et une photo récente. Par souci de ne pas laisser traîner en longueur cette nouvelle impulsion, j’ai envoyé le tout par retour aujourd’hui. Fin de semaine prochaine je dois recevoir le contrat d’édition, alors qu’au début le bon à tirer me sera déjà parvenu. A moi de le retourner avant la fin du mois si je souhaite une sortie avant Noël, deux ans après celui de ma trentaine qui devait voir naître cet ouvrage. Prudence donc, mais je ne vais pas me priver de cet aboutissement peut-être proche. Ma position reste claire : je ne regrette pas les années du Gâchis, et je ne vais pas m’interdire sa publication même si je critique aujourd’hui une vie et un alentour dans lesquels je me suis beaucoup engagé.

Jeudi 28 novembre

Je vous salue Mahomet !
Discours très alarmiste de trois têtes pensantes ce soir dans C dans l’air, dont je deviens un fidèle téléspectateur. Les frappes et la menace d’Al Quaïda vont décoiffer. Roland Jacquard n’était pas là pour ajouter sa touche d’informations de première main, mais le trio a su captiver par la terreur inspirée. Parmi eux, un éducateur d’origine algérienne, plongé au cœur des banlieues difficiles, a l’honnêteté de reconnaître la complaisance pour le moins, et l’approbation clamée au pire, du monde musulman à l’égard de l’icône Ben Laden. Voilà une version qui contredit sans circonvolution les sérénades pontifiantes et soporifiques assénées ces derniers mois sur la prétendue défiance de la très grande majorité (voire la quasi-totalité) des musulmans concernant le saoudien islamiste. Les nombreux recruteurs de fous de dieu opèrent en autonomie, sans se connaître les uns les autres, dans l’ombre des quartiers difficiles, ces fameuses et si longtemps tolérées zones de non droit. L’impact de leur endoctrinement est tel qu’ils parviennent à convertir pour l’Islam le plus rigide des caïds de quartier ayant versé dans les pires péchés : trafic de drogue, racket, vols, viols, etc. Leur faire miroiter l’homme nouveau qu’il peuvent devenir, sans adopter une posture critique sur leur passé, démultiplie les chances de grossir les rangs des futurs kamikazes. Et tout cela sur notre territoire. Imaginons que cinquante mille d’entre eux décident de passer au massacre à l’aveugle : le chaos de la guerre civile menacera notre mode de vie et les fondements de la société. Il faudrait alors les voir en première ligne tous les humanistes tolérants au ventre mou.

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